Imaginer le futur peut encore faire sourire quelques « happy few »… les plus convaincus de vivre confortablement dans un monde arbitré par des règles bien réelles.
Quant aux autres, à projeter la précarité programmée de leur existence sur les multiples écrans de la « révolution » post-digitale, ils risquent de « re-charger » leur cortex cérébral d’une bonne dose d’anxiété ! Nombre de métiers souffrant déjà d’abstraction logarithmique, c’est souvent là, face à l’indicible que la fiction agit sur la réalité telle une prophétie. Présage de catastrophe à venir ? Stress inutile ?
Fort heureusement, certaines rencontres éclairent votre chemin d’un halo de lucidité et d’optimisme. Toute ressemblance avec des faits et des personnes existantes… n’est pas toujours pure et fortuite coïncidence ! Je viens d’en faire l’expérience :
Avez-vous gardé en mémoire le triptyque dystopique des sœurs/frères Wachowski ? Notre monde merveilleux, devenu par la « folie des grandeurs » l’infernale propriété de robots fossoyeurs ? Il y a Néo l’élu. Enigmatique hacker à cheval entre deux mondes. Il prend la tête de la rébellion, la perd pour la belle Trinity, se la « connecte » sous l’égide de Morphéus pour rallumer l’espoir, illuminer le chemin du renouveau humanoïde. Parmi les marqueurs mnésiques de cette trilogie cinématographique, il y a les cascades de signes sur fond vert, langage sibyllin de la Matrice, intelligence inhumaine qui tire son énergie de fœtus artificiellement élevés en grappe pour régner sur « des encornets métallo ». Aucun débat avec les derniers survivants terrés et pourchassés comme des rats ! Métaphore de notre big data, ces écrans agissent comme une armée de données toujours plus menaçantes pour nos espérances de simples mortels. C’est sans doute pour toutes ces raisons, qu’à l’époque de sa sortie, Matrix m’avait à peine diverti.
Et puis ! Il y quelque temps… un coup de fil, un coup de pouce et le réel s’est conformé à la fiction ! J’ai basculé ! Etonnamment aspiré, sans résistance ! Pour atterrir dans une sorte de « néo-système » ! Un univers « start-upien » parallèle ? Tout y semble idéal. Apparence, tenue vestimentaire, éclat du diplôme, altitude du statut ne font aucunement loi ! Un antre où d’aimables humains mènent des investigations sociétales qu’ils illustrent d’harmonies visuelles numériques, qu’ils augmentent d’intelligence collaborative ! L’ensemble mis en musique par… une brillante et jeune élue, cheftaine d’un orchestre original. Un monde vous dis-je ! Où une femme préside, ou plutôt et selon ses mots, veille sur des hommes, un monde où l’altérité s’affiche.
Caroline Goulard, co-fondatrice de Dataveyes, venait de m’appeler.
Physiquement la correspondance avec le personnage de Trinity est troublante. Mais dans la réalité, Caroline réunit à la fois les qualités de Néo, Morphéus, et de l’Oracle. Attitude ouverte, souriante, regard droit, voix douce soulignent une écoute en permanence portée avec bienveillance vers l’autre. Le verbe juste et précis, l’éloquence élégante, révèlent la vivacité d’un esprit logique et étonnamment poétique à la fois. Il faut dire que les mondes parallèles c’est un peu sa spécialité. Caroline ne joue pas là où on l’attend, ne se laisse pas facilement enfermée par qui que ce soit ni par aucun modèle pré-configuré. Son parcours en dit long sur sa liberté de penser, d’être et d’agir. Férue de théâtre, studieuse élève d’études scientifiques, elle s’est dotée d’une solide ouverture au monde des humanités à Sciences Po. C’est là que s’affirme il y a plus de 10 ans, son désir de devenir journaliste. Cependant, l’idée d’être « ouvrière à la chaîne » de canaux d’infos plutôt insensibles aux odyssées numériques, ou encore citoyenne isolée et bénévole de la république des blogs ne l’emballe guère. Son leitmotiv : produire de l’info certes ! Mais autrement. D’autant qu’en matière de données, le grand public a besoin de médiateurs. Caroline entreprend alors une étude de « fin de cycle » sur le modèle d’un nouveau média d’investigation dont le terrain de guerre sera le « Big Data ». Élabore un « business Plan » bancal et cherche sans conviction sur « Twitter » des colistiers à la légitimité technologique. Elle y rencontre Benoit et Léo, étudiants du web à l’Hetic. « C’est la première fois de ma vie que j’ai eu l’impression de pouvoir… de pouvoir faire avec d’autres, et surtout pouvoir penser différemment grâce aux autres. » se souvient-elle. Cela dit, ni Benoit, ni Léo, ni Caroline ne pense alors à créer une entreprise. Ce sont les professeurs et les Directeurs de Sciences-Po et de l’Hetic qui les invitent au restaurant et les poussent à se lancer, leur prêtant même la somme nécessaire pour couvrir les obligations administratives.
L’heureuse rencontre et la foi tutélaire donnent naissance à Dataveyes, une agence de communication « pas classique pour un bitcoin » dont le logo n’est pas figée à une forme statique, mais s’auto-génère grâce à un algorithme pour créer un motif évolutif au gré des évènements. Une agence de visualisation en somme qui met le design des données au service d’une meilleure compréhension de l’information.
L’équipe est composée de profils très différents : développeurs, designers, statisticiens, architectes de l’information, spécialistes de l’expérience utilisateur ou encore de la gestion éditoriale des données. Ils associent leurs compétences pour maîtriser la complexité des « datas » et inventer des expériences utilisateurs aussi étonnantes que facilitantes. Racontent des histoires aux formats créatifs, cinétiques et évolutifs pour valoriser les marques ou les activités d’une entreprise. Pour Caroline, « c’est stimulant de participer aux transitions utiles vers le monde de demain. Par exemple, la fluidité est un enjeu quotidien pour les entreprises de transports de masse ou les acteurs d’une mobilité plus individualisée dans l’économie de partage. Elle rend plus performant les outils d’évaluations des voyageurs en temps réel et permet à leur gouvernance d’assumer des décisions plus rapides et adaptées. » Grace à Caroline et son équipe qui proposent des « info-carte » pour les nomades urbains, prototypent de nouvelles usines, de nouveaux produits et services, j’ai compris qu’un meilleur usage des données permet de modifier positivement les comportements et réaliser des économies d’énergie !
« Je n’ai jamais l’impression de ne pas être prise au sérieux. Mais être à la tête d’une équipe d’une dizaine de personnes avec de grosses attentes est certes une responsabilité heureuse mais une tâche parfois difficile. » Même si sa vision de l’altérité peut en prendre un coup, son regard sur le monde ne se déprécie jamais. « Qui plus est lorsque tu aspires à créer à plusieurs mains, à inventer des choses nouvelles en faisant se répondre les compétences de différentes personnes. C’est un effort que de savoir s’effacer pour que chacun te donne le meilleur de lui-même, ça ne s’apprend pas dans les cours ou les bouquins de management. »
En voyant Caroline diriger son entreprise, la traduction du mot « leader » prend tout son sens. Caroline est toujours la première à se lever et exposer la solution, montrer l’exemple, se remettre en question, encourager et valoriser chacun. Pas de critique négative, aucune certitude, simplement de la curiosité. L’essentiel, c’est surtout de toujours regarder au delà ! Est ce pour cela, qu’elle a développé la passion de l’escalade ? Histoire de prendre le plus souvent possible l’altitude nécessaire pour mieux appréhender les mouvements du monde ? Ou encore trouver l’inspiration dans les altérations de la nature pour sublimer les agitations de la matrice ?
Avec Caroline, j’ai pu parler de ce que beaucoup ne comprennent pas. Ce qu’on ne veut pas voir. Ce qu’on n’est pas toujours capable d’expliquer. Ce qu’il faut faire l’effort d’imaginer. Tous ces mondes terrifiants qui existent en nous, dont à défaut de guide, on cherche à s’échapper. Ils sont au cinéma la description de dictatures sans égard pour les libertés fondamentales. Heureusement ici, dans le monde réel, des êtres éclairés comme Léo, Benoit ou Caroline… Mais pardonnez-moi, mon téléphone sonne…
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